Homélie du cardinal Poupard à Noyon pour les festivités d’Eureloy 2018 (3 juin ) — Église catholique dans l'Oise | Diocèse de Beauvais

Aller au contenu. | Aller à la navigation

Outils personnels

Vis en communautés fraternelles et fais de nouveaux disciples du Christ !

Menu
Soutenir l'Église
Contact - Annuaire
Contact

Recherchez une personne dans l'annuaire du diocèse

Contactez-nous en remplissant le formulaire ci-dessous

Nom
Veuillez saisir votre nom complet
Courriel (Requis)
Veuillez saisir votre adresse courriel
Sujet : (Requis)
 
Message (Requis)
Veuillez saisir le message que vous souhaitez envoyer.
Veuillez recopier le texte de l'image ci-dessous (Requis)
Enter the word

Consulter notre politique de traitement des données personnelles

Par admin at 10/07/2017 13:35 |
 

Homélie du cardinal Poupard à Noyon pour les festivités d’Eureloy 2018 (3 juin )

Pour le cardinal Poupard, “la culture de la paix s’accompagne des vertus de saint Éloi : équité, vérité, justice et solidarité”

Le 3 juin 2018, le cardinal Paul Poupard, président émérite du Conseil pontifical de la culture et du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux présidait la messe solennelle de Saint Éloi avec Mgr Jacques Benoit-Gonnin, évêque de Beauvais, Noyon et Senlis à l’occasion du rassemblement Eureloy 2018. Tous les quatre ans, les confréries allemandes, belges, italiennes et hollandaises rejoignent les confréries françaises pour un pèlerinage à Noyon auprès des reliques de leur saint patron. Sous le nom d’Eureloy, cette fédération européenne des confréries, puise son inspiration dans l’exemple laissé par Saint Éloi et par sa pratique des trois vertus de loyauté, probité et charité.

 

Pour le cardinal Poupard, “la culture de la paix s’accompagne des vertus de saint Éloi : équité, vérité, justice et solidarité”

La paix soit avec vous !

 

Cette salutation du Christ ressuscité en chacune de ses apparitions pascales, c’est le salut que l’évêque adresse aux fidèles au début de chaque célébration eucharistique. « La paix soit avec vous », cette paix à laquelle aspirent tous les hommes de bonne volonté, cette paix fragile sans cesse rompue par les passions des hommes, cette paix qui est toujours un don de Dieu remis entre nos faibles mains, cette paix qui revêt aujourd’hui à Noyon une signification singulière, en cette année marquée par la clôture des commémorations du centenaire de la Grande Guerre 1914-1918.

 

Notre Eucharistie dominicale est placée sous le signe de saint Éloi. Voici six ans déjà, j’avais la joie de présider la remise en place du reliquaire restauré de saint Éloi, et de découvrir, en cette célébration mémorable, la présence et l’investissement de la confrérie des marguilliers de saint Éloi, qui regroupe des paroissiens désireux de se mettre plus concrètement encore au service de la paroisse, en voulant vivre les vertus exemplaires de saint Éloi : la loyauté, la probité, la charité. Les exemples entraînent, puisque depuis plus de vingt ans déjà, ce principe de confrérie s’est propagé à travers la France et l’Europe. Et je salue très cordialement les marguilliers de la Fédération européenne des Confréries de saint Éloi, marguilliers charitables, confréries de miséreux, venus d’Allemagne, Belgique, Pays-Bas et Italie, en pèlerinage à Noyon, célébrer en ce dimanche la fête du Saint- Sacrement du corps et du sang du Christ. La paix soit avec vous !

 

Tout enfant, j’étais enchanté de chanter la chanson du bon roi Dagobert, le vieux roi mérovingien des années 630-638, et du grand saint Éloi. Orfèvre de son métier, Éloi avait gagné la confiance du roi Clotaire II, père de Dagobert, qui lui avait commandé un trône, et qui en reçut deux. En effet l’orfèvre Éloi, dans son honnêteté exemplaire, avait confectionné le second avec le surplus d’or qui lui était resté après la réalisation du premier. Appelé à l’épiscopat, notre saint orfèvre se vit confier la succession de saint Médard sur le siège de Noyon. Prédicateur de l’Évangile jusqu’aux Pays- Bas, Éloi fut aussi un bâtisseur de monastères dans la région de Noyon, Tournai et Saint-Quentin. Il est devenu le patron des orfèvres, des forgerons et de tous les ouvriers de la métallurgie. Mais il est surtout votre patron incomparable des confréries des marguilliers d’Eureloy. Chers amis, votre appellation même est tout un programme : vous êtes des confrères. Un même idéal vous réunit : à l’exemple de saint Éloi, vous vous engagez à vivre les vertus de loyauté, de probité et de charité, au cœur de l’Europe. Vous êtes ainsi, au premier chef, des artisans de paix.

 

Permettez-moi, à cet égard, quelques souvenirs des papes au service desquels j’ai eu le privilège de travailler depuis 60 ans, et tout d’abord le saint pape Jean XXIII, à la Secrétairerie d’État, dont j’étais jeune collaborateur de langue française. Nous l’avons quelque peu oublié. Mais les années 60, qui voient la naissance de la Ve République française et l’entrée en vigueur du Marché commun européen, sont aussi celles de la guerre froide au paroxysme. Les fusées soviétiques sont pointées depuis Cuba vers les États-Unis prêts à déclencher le feu nucléaire. C’est alors qu’entre le Kremlin et la Maison-Blanche, une intervention désintéressée et pacifique, acceptée des deux parties, allait permettre aux deux super-puissances d’alors d’arrêter l’escalade mortifère sans perdre la face. Il m’en souvient  avec émotion, j’avais alors tapé à ma petite machine à écrire le message de paix de Jean XXIII adressé aux deux K, Khrouchtchev et Kennedy. Car si les systèmes idéologiques sont par nature intolérants, les hommes – c’était la conviction communicative du bon pape Jean – gardent toujours inentamée cette meilleure part d’eux-mêmes qui leur permet de s’entendre pour éviter le pire. Les convictions que partage le saint pape avec les deux chefs d’État sont simples et fortes : tout est perdu avec la guerre, tout peut être sauvé par la paix. Ce message de paix est devenu la matrice de l’encyclique Pacem in terris (1), que publiera comme un testament, le Jeudi saint 1963, à la veille de sa mort, le saint pape Jean XXIII, sur la paix entre toutes les nations, fondée sur ces quatre piliers conjoints que sont : la vérité, la justice, l’amour et la liberté.

 

La culture chrétienne de la paix est intrinsèquement « une », elle s’accompagne des vertus de saint Éloi : équité, vérité, justice et solidarité. Si un pays est affligé de tensions interethniques et d’instabilité politique, alors même qu’il n’y a ni le fracas violent des armes ni l’explosion d’armements mortifères, il ne règne vraiment aucune paix dans ce pays divisé. La paix implique l’existence de la liberté et de la justice, afin que tous puissent vivre en harmonie et développer pleinement leurs capacités d’hommes et de femmes responsables. La culture de la paix appelle à développer le respect des droits de l’homme, et du droit tout court. Mais les droits ne vont pas sans devoirs. Et la culture de la paix appelle également le respect des droits et des devoirs, unis par un lien indissoluble au cœur de la personne qui en est le sujet, et dans une réciprocité entre les personnes.

 

Deux autres souvenirs. Le mardi de Pâques 1967, à la demande du bienheureux pape Paul VI, je présente aux journalistes, à la Salle de presse du Saint-Siège, l’encyclique Populorum progressio (2) sur le développement des peuples. Ses affirmations sont claires : le développement est le nouveau nom de la paix et le développement est intégral et solidaire. Pour être authentique, il doit promouvoir tout homme et tout l’homme, chaque homme, chaque groupe d’hommes, jusqu’à l’humanité tout entière, appelée à œuvrer ensemble pour édifier notre avenir commun. – Puis, le 8 décembre suivant, dans la même Salle de presse, avec le cardinal Roy, je présente l’initiative de Paul VI qui institue le 1er janvier de chaque année la Journée mondiale de la paix. Le pape Montini le souligne avec force : l’instauration de la paix appelle une volonté réelle de créer les conditions de développement des populations, qui soient un antidote au déploiement de la violence, tapie comme une tentation récurrente au cœur de l’homme. L’action des autorités en charge du bien commun ne peut être porteuse de paix que si les populations elles-mêmes développent un désir et une conscience de paix. La culture de la paix, comme cette cathédrale de Noyon, se construit patiemment, avec une foi inébranlable, elle est faite de multiples pierres, telles celles que chacune de vos confréries d’Eureloy apporte dans ce bel édifice.

 

Depuis lors, tous les successeurs de Paul VI – d’abord Jean- Paul II, puis Benoît XVI, et aujourd’hui François – appellent chaque année tous les peuples du monde à œuvrer pour la paix, en leur adressant d’année en année un message. Comme vous le savez, le message du pape François pour la célébration de la journée mondiale de la paix du 1er janvier 2018, était consacré aux Migrants et réfugiés : des hommes et des femmes en quête de paix. Le message s’ouvre par ce vœu de paix : « Que la paix soit sur toutes les personnes et toutes les nations de la terre ! Cette paix, que les anges annoncent aux bergers la nuit de Noël, est une aspiration profonde de tout le monde et de tous les peuples, surtout de ceux qui souffrent le plus de son absence… Avec un esprit miséricordieux, nous étreignons tous ceux qui fuient la guerre et la faim ou qui sont contraints de quitter leurs terres à cause des discriminations, des persécutions, de la pauvreté et de la dégradation environnementale ». Et le pape François de conclure son message par cette prière que nous faisons nôtre : « Que le Seigneur nous accorde à tous de faire l’expérience que “c’est dans la paix qu’est semée la justice, qui donne son fruit aux artisans de paix” (Jacques 3, 18) » (3).

 

Chers frères et sœurs en Jésus-Christ, en ce dimanche de la Fête-Dieu, nous nous tournons avec foi et amour vers le Christ, notre paix. Il est grand, le mystère de la foi, notre foi dans le mystère eucharistique. Le corps du Seigneur, ce corps né de la Vierge Marie, est toujours vivant. Ce n’est pas autour d’un mort que depuis plus de 2000 ans les chrétiens se réunissent pour célébrer la sainte Eucharistie. C’est un vivant qui nous rassemble, un vivant qui est source de vie et source de paix, le Christ ressuscité, assis à la droite de Dieu, que nous avons célébré dans la joie de Pâques et de l’Ascension. Il est vivant et vivifiant, source de vie, source de paix.

 

Jésus nous l’a demandé, à la dernière Cène, en s’adressant à ses apôtres : « Ceci est mon corps, ceci est mon sang, faites ceci en mémoire de moi ». Ainsi, l’Église créée l’Eucharistie et l’Eucharistie crée l’Église. C’est le mystère de notre foi, mystère d’amour, source de paix. Nous ne sommes plus jamais seuls. Constructeurs de paix, avec le Christ, dans l’Église, de toute provenance, de nations, de cultures, de langues différentes, nous formons un seul corps vivant et agissant. Votre présence l’atteste, chers amis européens des confréries de saint Éloi. À l’exemple du saint évêque de Noyon, animés de ses vertus de loyauté, de probité et de charité, nourris de l’Eucharistie, soyons partout, dans nos familles et nos cités, des artisans de paix. À l’exemple des premiers chrétiens, comme nous le dit saint Luc dans les Actes des apôtres, formons un seul cœur et une seule âme, en établissant partout, au cœur de l’Europe, par-delà les frontières, des relations de fraternité et de solidarité, établies selon le vœu du saint pape Jean XXIII, sur les quatre piliers conjoints de la vérité, la justice, l’amour et la liberté. Amen.

 

_____________________

1. Pape Jean XXIII, Lettre encyclique Pacem in terris, La paix entre toutes les nations, fondée sur la vérité, la justice, la charité, la liberté, DC 1963, n. 1398, col. 513.

2. Pape Paul VI, Lettre encyclique Populorum progressio, le développement des peuples, DC 1967, n. 1492, col. 674.

3. Pape François, Message pour la 51e journée mondiale de prière pour la paix, DC 2018, n. 2529, p. 110.