abbé de Fly :
témoin de l'esprit évangélique dont furent animés en cette abbaye de saint-Germer
les disciples de saint Benoît ( 1178 ? - 1211 )

Sommaire

Sources :
- Père Loïc Corlay "notes dactylographiées sur la vie de saint Eustache"
- Théo - "Nouvelle Encyclopédie Catholique"
- G.E.M.O.B. "l'église abbatiale et la Sainte Chapelle de Saint Germer de Fly"
- Graves Précis statistiques - "canton du Coudray saint Germer", "Chronique de la France et des Français"
- Geoffrey Barraclough "La papauté au Moyen-Age"

1- Le moine

On ne connaît pas très bien sa date de naissance, certains disent 1178, mais rien n'est moins sûr ; seul nous est parvenu le lieu approximatif de sa naissance "quelque part dans le Beauvaisis."

Il est ordonné prêtre par l'évêque, Philippe de Dreux, qui gouverne le diocèse de 1175 à 1217 et devient son secrétaire.

A la mort de l'abbé Hugues le Pauvre, les moines de l'abbaye choisissent Eustache comme supérieur. "Nous avons élu votre secrétaire, homme honorable, simple et droit, à qui on rend témoignage de toutes parts" écrivent-ils à Philippe de Dreux.

Eustache se rend donc à Beauvais et promet obéissance et soumission à l'évêque dans sa cathédrale. Il faut préciser que ce rite est particulier à l'abbaye de st Germer car habituellement un monastère jouit de "l'exemption", c'est à dire d'une grande autonomie par rapport à l'évêque; mais dans le cas présent, tous les biens du monastère appartiennent à l'évêché de Beauvais. L'abbaye ayant été abandonnée pendant une cinquantaine d'années après les invasions normandes, le roi les avait attribuées à l'évêché afin que les terres ne soient pas spoliées. L'abbé de st Germer est donc vassal de l'évêque de Beauvais et cette situation va durer jusqu'à la disparition du monastère à la Révolution.
 

2- Il lutte contre les Albigeois

 Les Albigeois sont les adeptes de la secte cathare. Ils sont constitués en véritable contre-église avec diacres, évêques et conciles. La doctrine est évidemment étrangère au christianisme mais ils manifestent un dynamisme missionnaire qui assure leur succès ; succès dû surtout à l'ignorance religieuse des populations languedociennes, clergé y compris, car ce dernier n'est guère familier encore par la réforme grégorienne et met ainsi en péril l'existence même de l'Eglise.

Leur expansion rapide conduit bientôt papes et évêques à y susciter prédications et débats publics afin d'instruire dans la foi chrétienne toute cette région déchristianisée. Ils font alors appel à des prédicateurs bénédictins ou cisterciens ou encore prémontrés.

Déjà l'abbé général Arnaud Amaury, Pierre de Castelnau et frère Raoul, tous trois cisterciens, étaient dans le Languedoc tenant des séances contradictoires. Philippe de Dreux, évêque de Beauvais, y envoie en mission Eustache qui interrompt ainsi son abbatiat.

Cette action est bien plus conforme à l'Evangile que la triste croisade déclenchée par le Pape Innocent III, ardent défenseur de la foi, mais qui ravagera le pays quelques années plus tard et à laquelle participera en 1213 puis en 1215, Philippe de Dreux, évêque, certes, mais aussi prélat guerrier et aventureux.
 

3- Il prêche en Angleterre

La prédication d'Eustache obtient quelques résultats qui attirent sur lui l'attention du Pape.
Innocent III est un personnage exceptionnel qui va imposer à l'Occident sa conception théocratique de la prééminence du pouvoir pontifical sur tous les autres pouvoirs.
C'est ainsi qu'il envoie Eustache en Angleterre comme légat apostolique, à Canterbury d'abord. Il est tout de suite mal accepté surtout lorsqu'il cherche à persuader les nobles de laisser leurs manants bénéficier du repos du dimanche.
Eustache revient à St Germer mais Innocent III lui intime l'ordre de retourner en Angleterre, à York cette fois-ci, comme prédicateur.
Là il réussit à faire respecter la journée de dimanche comme jour de repos pour les travailleurs.
Il est aussi l'initiateur de l'usage de garder une lampe allumée, près du tabernacle des églises.
De même il encourage l'institution de "charités", ces équipes de chrétiens qui se dévouent pour ensevelir dignement les indigents. Mais le roi Richard 1er lui fait rapidement opposition car toute association de gens du peuple est ressentie comme un complot et un danger par les nobles.

4- Sa mort

 Epuisé par ces missions de prédicateur, Eustache revient à St Germer. Il se consacre désormais au gouvernement de son abbaye et ce, jusqu'à sa mort le 7 septembre 1211.

Les moines l'ensevelissent au milieu de la nef de l'abbatiale, là où une petite plaque ronde, de marbre noir, indique encore aujourd'hui : "HIC QUONDAM REQUIEVIT STUS EUSTACHIUS ABBAS" ( ici jadis reposa saint Eustache abbé ), suivi de deux dates : 1211 l'année de sa mort et 1895 année où cette plaque fut posée.

Son corps n'est plus à cet endroit. Quand Pierre de Wessencourt, abbé de 1259 à 1272, fait édifier la sainte chapelle de st Germer, il y fait transporter ses restes.

A cette époque, Rome ne procédait pas encore à des procès de canonisation ; un moine était désigné comme saint par l'usage de mentionner un résumé de sa vie dans les martyrologes* lus aux réfectoires des monastères. Saint Eustache y figura aussitôt !

Il existait un reliquaire de saint Eustache du XIX° siècle mais les reliques ont été volées en 1993.

Hommage contemporain à ce saint : une rue du lotissement de saintt-Germer s'appelle "rue saint Eustache".
 

* martyrologe : catalogue, liste des martyrs. Par extension, livre liturgique qui donne dans l'ordre du calendrier la liste des saints célébrés chaque jour de l'année