Beauvais, le 18 mars 2020
Vie consacrée et pandémie
À toutes les personnes consacrées du diocèse de Beauvais
Chers Frères et Sœurs,
La situation que nous vivons depuis début mars, et plus encore depuis mardi midi, appelle tous les chrétiens du diocèse à un double sursaut : sursaut d’application stricte des mesures prises par les autorités de l’État pour endiguer la progression du covid19 ; sursaut de charité dans la prière et dans l’action alors que notre pays (comme d’autres, de plus en plus nombreux dans le monde) connait une situation inédite.
Les personnes consacrées (religieuses et religieux ; consacrées dans l'Ordre des Vierges ; prêtres et diacres) ne doivent-elles pas prendre leur part, et toute leur part dans ce double sursaut ? Bien sûr que oui, et vous n’avez pas attendu pour réagir !
Simplement, je veux encore vous encourager à bien mettre en œuvre les mesures qui doivent permettre que le virus ne se propage pas, chez vous, et à travers vous. Des indications vous ont été données par la CORREF ; je n’ai pas besoin d’y revenir (1). Vous aurez à cœur de les appliquer de manière stricte et adaptée à chacune de vos communautés (nos sœurs contemplatives de Jonquières, Senlis et Troussures ne sont-elles pas en « confinement » permanent !)
Il est un « lieu de combat » sur lequel vous êtes particulièrement attendus, celui de la prière. Certes, dans la société française, le confinement donnera à beaucoup un temps introuvable en situation habituelle. Pour certains, ce sera l’occasion d’entrer dans une démarche de Carême et d’intériorité plus profonde ; pour d’autres, le bouleversement des modes et des rythmes de vie, les inquiétudes qui peuvent naitre pour soi-même et pour l’entourage, les craintes quant à l’avenir, etc. pourront encombrer l’esprit et le cœur, et rendre difficile de revenir à l’essentiel. Les catéchumènes s’interrogent sur la possibilité d’être initiés (baptisés, confirmés et « eucharistiés »), à Pâques ! Pour d’autres, (peut-être en êtes-vous ?), l’impossibilité de célébrer l’eucharistie, même le dimanche, ou les incertitudes quant à la célébration du sacrement de pénitence et de réconciliation font monter en eux des mouvements d’incompréhension, de colère et de révolte, vis à vis de ceux qui ont pris certaines décisions, ou vis à vis des responsables de la société civile suspectés de ne pas considérer l’Église et les chrétiens comme il conviendrait. Bref, prier ne sera pas aussi simple qu’on pourrait le penser.
Prier, vous en avez reçu la mission de l’Église et vous savez combien elle est importante et attendue du Seigneur … quand bien même vous n'en voyez pas toujours les effets ! Votre prière se nourrit de la vie du monde, dont vous demeurez solidaires, et duquel vous avez été tiré(e)s.
En ces jours qui bouleversent nos manières de vivre, nos manières de nous préparer à Pâques, les fidèles du diocèse comptent sur votre prière plus intense. Ils s’y associent aussi.
Aussi, que chaque communauté et chaque personne consacrée, redouble d’efforts et d’empressement dans la prière. C’est déjà votre détermination ; que ma « supplique » vienne confirmer ce que l’Esprit Saint a suscité en vos cœurs et en vos communautés diverses.
S’il convient de préciser quelques intentions, en voici quelques-unes (auxquelles vous-mêmes, inspirés par cet Esprit Saint, pouvez en ajouter d’autres) :
- Les malades du coronavirus et leur entourage, dans l’Oise, en France et dans le monde ;
- Les chercheurs, les médecins et tous les personnels soignants qui sont « sur le pont », ou « sur la brèche » pour accueillir les patients, et les soigner ;
- Les pays plus démunis face à ce type de maladie virale pandémique ;
- Nos gouvernants qui ont à gérer la lutte contre cette pandémie, et les gouvernants du monde entier ;
- Tous les acteurs de la vie économique (salariés ; employeurs de grandes ou moyennes ou petites entreprises) dont l’avenir est bouleversé (sinon compromis) ;
- Les familles et les parents inquiets pour leurs enfants ;
- Les enseignants et les membres des équipes éducatives qui doivent inventer et mettre en œuvre la « continuité éducative » qui fera que les enfants seront rejoints et soutenus pour poursuivre leur croissance intellectuelle, humaine et spirituelle ;
- Les personnes en Hôpitaux, Ehpad et Maisons de retraites qui sont confinées, sans pouvoir recevoir de visites, et les personnels soignants qui sont mis à plus rude épreuve ;
- Les personnes âgées, surtout seules, qui peuvent se sentir plus encore isolées, abandonnées …
- … Sans oublier les chrétiens troublés, voire perdus dans leur manière de vivre ce Carême et de cheminer vers Pâques
- … Sans oublier les catéchumènes qui ne pourront être initiés à Pâques, et devront attendre jusqu’à … on ne sait pas aujourd’hui quand … peut-être la Pentecôte (mais la question est encore en réflexion).
- … Sans oublier les prêtres qui doivent inventer de nouvelles manières d’exercer leur ministère ; qui voudraient demeurer proches, sans pouvoir l’être, physiquement en tous cas ;
- Sans vous oublier vous-mêmes, qui pouvez être éprouvé(e)s dans une vie fraternelle perturbée, ou provoqué(e) à inventer de nouvelles formes d’ouverture et d’attentions aux autres ;
Chers frères et sœurs, merci de porter cette part de la mission de l'Église, quand bien même vous n’en verrez pas les résultats !
N’hésitez pas à lui donner une forme particulière et supplémentaire par rapport à votre « régime » habituel de prière.
Pour ce qui me concerne, je m’unirai à votre prière, par une heure quotidienne d’adoration.
Que le Seigneur vous bénisse tous, et chacune et chacun. Que cette épreuve renouvelle et resserre nos liens de communion fraternelle et de charité pour le monde, et son salut.
+ Jacques Benoit-Gonnin,
Évêque de Beauvais, Noyon et Senlis
1. Communication à l’ensemble des communautés religieuses, membres de la CORREF (signée de Sr Véronique MARGRON)