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Samedi 18 novembre 2023
Chers Frères et Sœurs
chrétiens catholiques de l’Oise
En lien avec les violences terroristes et guerrières qui tourmentent l’État d’Israël et la Bande de Gaza, depuis le 7 octobre, nous assistons à une recrudescence des actes antisémites en France. L’un des derniers en date s’est produit dans notre département, avec la profanation de dix tombes juives du cimetière militaire allemand de Moulin-sous-Touvent.
De nombreuses protestations se sont élevées contre ces actes odieux et lâches. J’ai moi-même adressé une lettre pour exprimer notre proximité, notre honte et notre gratitude à celles et ceux dont l’élection et l’existence tient une place si importante dans notre vie morale et spirituelle.
En prolongement de cette lettre, je crois opportun de vous adresser ce message exprimant combien et pourquoi tout antisémitisme constitue une violence incompatible avec notre foi en Jésus-Christ, mort et ressuscité pour le salut de tous les hommes.
« Quiconque rencontre Jésus-Christ rencontre le judaïsme. Les chrétiens doivent se sentir frères de tous les hommes et se comporter en conséquence, mais cette obligation sacrée vaut encore plus quand ils se trouvent en face de ceux qui appartiennent au peuple juif !1 » Ces mots de St Jean-Paul II résument l’attitude de l’Église catholique depuis bientôt 60 ans. Nous en trouvons de nombreux échos dans des textes plus récents. Tout chrétien est invité à prendre conscience du fait que « la foi des juifs … n’est pas pour les chrétiens une autre religion mais le fondement de leur propre foi2 ».
En quoi la foi des Juifs est-elle le fondement de notre foi chrétienne ?
« Jésus était Juif et l’est resté jusqu’à sa mort ». La judéité de Jésus est souvent mentionnée, sans ambiguïté, dans le Nouveau Testament et dans les textes officiels de l’Église. St Jean-Paul II l’affirmait encore : « Jésus est devenu un authentique fils d’Israël, profondément enraciné dans la longue histoire de son peuple … Priver le Christ de son rapport à l’Ancien Testament c’est donc le détacher de ses racines et vider son mystère de tout sens. Autrement, le Christ aurait été comme un météore tombé accidentellement sur la terre et privé de tout lien avec l’histoire des hommes3 ».
D’autre part, Jésus n’est pas venu fonder une nouvelle religion mais il est venu réaliser pleinement, au sein de l’Alliance avec Israël, le dessein d’amour du Père. « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » (Mt 5, 17)
Si l’Église des premiers siècles s’est développée en opposition avec la tradition de ses pères, et a développé ce que l’on appelle un antijudaïsme parfois violent, il nous appartient aujourd’hui, de lutter courageusement et avec force, contre ces préjugés ancrés dans nos consciences chrétiennes, en prenant mieux conscience combien le christianisme né dans le judaïsme ne peut s’en séparer. Il n’est donc pas possible de porter sur le judaïsme et les juifs un regard de mépris ou d’indifférence, de discrimination ou de condamnation.
Quel lien entre antijudaïsme et l’antisémitisme ?
Les évêques de France4, puis le Conseil Pontifical pour l’unité des Chrétiens5 ont exprimé que cet antijudaïsme chrétien avait été, pour une part en tous cas, le terreau de l’antisémitisme dont chacun connait le terrible bilan dans la Shoah. « Nous ne pouvons pas ignorer … les sentiments séculaires de méfiance et d’hostilité que nous appelons antijudaïsme, dont les chrétiens ont été coupables, malheureusement. […] On peut se demander si la persécution des juifs par les nazis n’a pas été facilitée par les préjugés anti-juifs enracinés dans les esprits et les cœurs de certains chrétiens...6 »
Aujourd’hui l’antisémitisme réapparaît, multiforme, décomplexé, violent, profanateur, niant le caractère sacré de toute vie humaine.
Fidèle à la déclaration conciliaire Nostra Aetate du 28 octobre 1965, et aux nombreuses positions exprimées et renouvelées par les Papes depuis lors, l’Église catholique s’engage résolument contre toutes ces manifestations de discrimination, de mépris et de haine. Comme chrétiens qui proclamons l’amour de Dieu pour tous les hommes, nous ne pouvons accepter que cet amour soit refusé à certains par des interprétations erronées des Écritures !
Chers Frères et Sœurs, il n’est pas simple de vaincre un vieux démon qui peut resurgir ou naitre en nos vies de disciples de Jésus Christ et voudrait nous faire ignorer ou jalouser ceux qui sont en quelque sorte « nos frères préférés, et d’une certaine manière, … nos frères ainés.7 » Il est pourtant vital d’y travailler. Pour ce faire, je vous conseille la lecture simple et nourrissante du livre récemment paru sous l’égide de la Conférence des Évêques de France « Déconstruire l’antijudaïsme chrétien. » 8
Plein d’action de grâce pour la mission à laquelle le Seigneur Jésus-Christ nous associe pour la gloire de Dieu et le salut du monde, je vous assure, chers Frères et Sœurs, de ma prière et de mon dévouement.
+ Jacques Benoit-Gonnin,
Évêque de Beauvais, Noyon et Senlis.
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1 Jean-Paul II, discours à la Communauté juive de Mayence, le 17 novembre 1980.
2 Les dons et l’appel de Dieu sont irrévocables ; Document de la Commission Pontificale pour les rapports religieux avec le Judaïsme, 2015, n°20
3 Jean-Paul II, discours à la Commission biblique pontificale, 2001 ; le peuple juif et ses Saintes Écritures dans la Bible chrétienne.
4 Déclaration de Repentance des évêques de France ; 30 septembre 1997
5 Conseil Pontifical pour l’unité des Chrétiens, « Nous nous souvenons : une réflexion sur la Shoah », 16 mars 1998
6 Idem IV. L’antisémitisme et la Shoah
7 Pape Jean-Paul II, discours à la Synagogue de Rome, 13 avril 1986
8 Conférence des évêques de France, Déconstruire l’antijudaïsme chrétien, Paris, Cerf, 2023, 155p
