Avec vous tous les jours !
Lettre pastorale de Mgr Jacques Benoit-Gonnin , évêque de Beauvais, Noyon et Senlis
publiée le 8 septembre 2017
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Aux prêtres et aux diacres,
Aux membres des Équipes de conduite pastorale,
Aux membres des Conseils pastoraux,
À tous les fidèles du diocèse,
« JE SUIS AVEC VOUS TOUS LES JOURS » (Matthieu 28, 20)
Avec le Christ, avancer avec lucidité, espérance et courage !
Chers frères et sœurs,
Voici un peu plus de 7 ans, j’ai été envoyé dans l’Oise, et je veux commencer par redire, ici, toute ma joie d’y servir le Seigneur et son Église.
J’y ai vécu de grandes joies : plusieurs centaines de confirmations annuelles, la rencontre des catéchumènes adultes, les visites pastorales, 6 ordinations presbytérales, 2 ordinations diaconales, l’accueil de prêtres et de 2 communautés religieuses, la création de grandes paroisses dans le Vexin et à Compiègne, de nombreux programmes de rénovation ou de construction de maisons paroissiales ou d’établissements scolaires, les temps forts avec les jeunes, les rencontres avec des élus, le déploiement d’une dynamique missionnaire …
J’ai connu aussi des épreuves que j’ai partagées avec vous : décès de quelques 40 prêtres, de 3 diacres et de l’épouse d’un diacre, départ de plusieurs communautés religieuses, … et surtout des difficultés croissantes à pourvoir toutes les communautés chrétiennes et les mouvements en ministres ordonnés, pour les soutenir dans leur vitalité, leur mission et leurs nécessaires mutations.
Dans le prolongement de la lettre pastorale de Mgr James, « Église de Beauvais, avance au large » (8 septembre 2007), j’ai souhaité que les paroisses se rendent attentives aux besoins de nos contemporains pour aller à leur rencontre, sur envoi et au nom du Christ. Il y a 3 ans, une dynamique renouvelée a été lancée avec les 5 essentiels, les enquêtes de voisinage, la vision pastorale, les Équipes de conduite pastorale. Plusieurs rassemblements diocésains et des rencontres de curés ont permis d’avancer selon les possibilités de chaque paroisse.
Ce mouvement aide à lutter contre une tentation « décliniste », des habitudes stérilisantes et un activisme rassurant mais ambigu. Le moment que nous vivons nous provoque plus vigoureusement à nous interroger sur notre avenir, dans une société de plus en plus étrangère à ses racines chrétiennes, confrontée à des mutations sans précédent et aux conséquences improbables, mais demeurant assoiffée de bonheur.
Dans ce contexte, nous avons été atteints par le décès du P. Serge Maroun. Le Seigneur à qui il avait donné sa vie dispose, mais quel sens cette disparition peut-elle avoir ? À chaud, j’ai énoncé quelques réflexions, et les Compiégnois ont relevé les manches ! Il nous revient d’aller plus loin pour laisser le Seigneur féconder les vides et les questions.
Que nous le voulions ou pas, nous sommes confrontés à des questions visant l’avenir de nos communautés paroissiales : question de leur nombre et de leur étendue, question de leur conduite par des prêtres moins nombreux, question des conditions de leur vitalité face aux nouveaux modes de vie et aux nouveaux rapports de nos contemporains au religieux et à l’Église, question de leurs ressources pour vivre, rayonner et témoigner dans la société actuelle.
Déplacer des prêtres ne suffit pas à résoudre les questions. Nous sommes tous concernés et appelés à vivre une « conversion ». Enracinée dans la relation de chacun au Seigneur Jésus, cette conversion doit déployer ses effets dans notre relation à l’Église et notre participation à la mission qu’Il lui a confiée, pour le salut de tous les hommes (1Tm, 2,4).
C’est pourquoi, cette année, j’ai renoncé à opérer des nominations « territoriales » voulant que nous relevions les défis de la réflexion et de la conversion missionnaire, ENSEMBLE ! Car, tous, « nous portons ce trésor (Jésus Christ) dans des vases d’argile… Pressés de toute part, nous ne sommes pas écrasés ; dans des impasses, nous arrivons à passer… Nous portons dans notre corps l’agonie de Jésus, afin que la vie de Jésus soit elle aussi manifestée dans notre corps… C’est pourquoi, nous ne perdons pas courage. » (2 Co 4, 7-16).
De fait, le Seigneur est fidèle et toujours à l’œuvre ! Des séminaristes, des ordinations diaconales en perspective, des laïcs qui se forment, des familles qui répondent à l’appel, des jeunes qui émergent, des mouvements bien vivants, un Enseignement catholique qui relève les défis du développement intégral de la personne en référence à l’Évangile, une prière d’adoration portée par les communautés religieuses et paroissiales.
Depuis plusieurs années, des initiatives missionnaires portent des fruits (catéchuménat, rassemblements de jeunes, parcours alpha, pèlerinages à Lourdes, pélé VTT60, cellules d’évangélisation, évangélisations de rue, recours à des missionnaires extérieurs, groupes de prières, ...).
La dynamique missionnaire est bien engagée ! Certes, on tâtonne ou on hésite sur les modalités locales à lui donner mais : nous essayons de vivre les 5 essentiels ; nous sommes plus attentifs à regarder autour de nous pour y repérer les appels du Seigneur et «le cri des hommes» ; nous acceptons de changer nos manières de vivre ou de faire pour dire la Miséricorde de Dieu envers tous et sa faveur pour les blessés de la vie ; des collaborations entre prêtres et laïcs s’approfondissent pour le service de la même mission, chacun agissant selon son appel particulier.
L’assentiment global (prêtres et laïcs) témoigne que tout cela dépasse un phénomène conjoncturel, de «mode», et procède de l’Esprit Saint qui veut « adapter » l’Église à sa mission, ici et maintenant !
Il nous faut donc, ensemble, recevoir, sous la motion de ce même
Esprit Saint, les nouvelles manières dont nos communautés vivront l’Évangile, en témoigneront, le partageront.
Cette année doit être mise à profit pour nous projeter sur plusieurs années, pour considérer ce que devraient être nos « visages d’Église » et nos engagements, pour offrir au Seigneur les ouvriers qu’Il enverra à sa vigne, dans l’Oise.
Pour engager ce travail, je vous propose une vision diocésaine concrétisée dans 6 orientations (I), quelques éléments pour baliser et animer un cheminement pour les mois à venir (II), des questions et une méthode (III). Le tout voudrait aider toutes les communautés paroissiales à donner leurs suggestions pour favoriser les nominations à venir.
I. Une vision diocésaine et des orientations pour avancer
La vision diocésaine indique, de manière simple, vers quoi nous avançons. Je la formule de la manière suivante :
ÉGLISE CATHOLIQUE DANS L’OISE,
VIS EN COMMUNAUTÉS FRATERNELLES
ET FAIS DE NOUVEAUX DISCIPLES DU CHRIST !
Cette vision se concrétise en 6 orientations complémentaires qui sont proposées comme des « marqueurs ». Chacune des communautés paroissiales les met en œuvre selon son histoire, sa situation et ses moyens. Ce sont :
- Des Communautés vivant davantage des 5 essentiels
- Des responsables plus nombreux et équipés pour la mission
- Des Communautés donnant la priorité à la mission vers et par les jeunes
- Des Communautés de disciples heureux d’inviter
- Des Communautés servantes
- Des Communautés insérées dans leur environnement
II. Un état d’esprit pour vivre ce cheminement
Pour avancer, une conviction, une attitude et deux repères nous sont nécessaires.
> Une conviction qui est une base de départ : toutes les communautés paroissiales auront un curé, mais il n’habitera pas toujours aussi près que par le passé, et il ne « servira » pas toujours comme il le faisait. Déjà vous en faites l’expérience et il faut reconnaitre que cette évolution va se poursuivre et nous provoquer à inventer de nouvelles manières de vivre et de témoigner.
> Une attitude fondamentale : oser l’imagination et la créativité ! Elles nous aideront à avancer et nous permettront de relever les défis. Dans ce monde en profonde mutation, l’imagination et la créativité sont nécessaires pour rendre audible, compréhensible, crédible, attractive, l’annonce du salut en Jésus-Christ (qui est le même, hier, aujourd’hui, éternellement - He 13,8). Si l’Évangile a été accueilli par le passé, s’il a marqué la vie des personnes et des sociétés, c’est que la vie chrétienne et l’annonce du salut en Jésus-Christ ont su s’adapter. Rappelons-nous la créativité et l’ingéniosité de Jean Eudes, François de Sales, Vincent de Paul, ou celles des missionnaires ! Rappelons-nous encore la réflexion du pape François : « La paroisse n’est pas une structure caduque ; précisément parce qu’elle a une grande plasticité, elle peut prendre des formes très diverses qui demandent la docilité et créativité missionnaire du pasteur et de la communauté. »(La Joie de l’Évangile §28)
> Deux repères nous éviteront la dispersion complète : le soutien mutuel et l’amour de l’Église. Pour nous faire vivre à partir de l’amour et dans l’amour, Dieu n’a rien voulu donner à une de ses créatures seulement, ou à un de ses ministres seulement. Il a toujours voulu que quiconque « ait besoin » d’un autre. Pour nous, aujourd’hui, chrétiens laïcs ou ministres ordonnés, nous avons besoin les uns des autres, dans un grand respect et une grande confiance mutuels. Pour les laïcs, qu’ils attendent des prêtres et des diacres ce qu’ils doivent et peuvent donner de par le Christ et en son nom. Pour les prêtres et les diacres, qu’ils reconnaissent et laissent aux baptisés-laïcs, la vraie et complète participation qui leur revient dans la sanctification des tâches temporelles, l’annonce de l’Évangile et le service de la communauté.
Les prêtres, présents et agissant au nom du Christ-Jésus, ne vont pas jusqu’au bout de leur appel s’ils n’engendrent pas et n’accompagnent pas des laïcs « sauvés » et « collaborateurs du Sauveur ». Les laïcs ne réalisent pas leur vocation propre de frères et sœurs du Christ et de témoins s’ils ne reçoivent ce que le Seigneur leur a confié pour la sanctification et la croissance du Peuple de Dieu, par les ministres ordonnés.
Prêtres, diacres et laïcs sont donnés les uns aux autres pour, ensemble, discerner, avancer et servir la mission que le Seigneur confie à son Église.
III. Questions et méthode
Avec tout ce qui précède, je peux vous poser quelques questions pour que nous puissions avancer. Ces questions méritent d’être réfléchies personnellement et partagées avec d’autres, avant d’être remontées pour être exploitées.
Vous aurez à cœur de réfléchir à ces questions en fonction du cheminement déjà engagé dans la dynamique missionnaire pour votre paroisse.
Des questions à réfléchir
> Pour tous (prêtres, diacres, consacré(e)s, laïcs – en groupes mixtes) :
- A1- Quels sont les services paroissiaux à développer pour soutenir la mission de la paroisse ?
- A2- Quelle organisation voyez-vous pour que la mission soit accomplie ?
- A3- Qu’est-ce que vous attendez les uns des autres ? (Qu’est-ce que les laïcs attendent des prêtres ? Qu’est-ce que les prêtres attendant des laïcs ? Idem, quand il y a un diacre)
- A4- Une mutualisation d’activités est nécessaire ... Dans quels domaines la voyez-vous ? (dans la paroisse ou avec une autre paroisse)
- A5- Avec quelle paroisse, un rapprochement serait-il envisageable, selon vous ?
> Pour les prêtres (seuls ou à plusieurs) :
- B1- Comme prêtre, à quoi devrais-je consacrer plus de temps ?
- B2- Qu’est ce qui guide le « remplissage » de mon agenda ?
- B3- Quelles sont mes priorités pour servir la croissance de la vie théologale des fidèles et des communautés ? Quelles formes et quelles modalités, ces priorités doivent-elles prendre ?
> Pour les laïcs (consacré(e)s – autres fidèles-laïcs) :
- C1- En quoi la paroisse (ou tel mouvement) m’aide-t-elle/il à vivre ma vocation de laïc ?
- C2- Qu’est-ce qu’il lui manque, aujourd’hui ?
- C3- Comment est-ce que je vois mon rôle dans la vitalité de la communauté paroissiale ?
- C4- Qui pourrait être appelé ? Dans quel domaine ?
Le temps nous presse !
Assez vite, il faudra engager les processus de nominations 2018 pour la bonne marche des paroisses. C’est pourquoi je remercie par avance les curés, en lien avec leurs ECP et leurs Conseils, de s’emparer de ces questions selon la méthode ci-dessous.
Nous sommes bien d’accord qu’il faut éviter la multiplication des rencontres ! Il ne faut pas viser la perfection ! Ni l’exhaustivité ! Cependant, rien de fécond ne pourra se faire si nous n’essayons pas d’impliquer le plus grand nombre dans la réflexion et dans les évolutions nécessaires pour tenir la mission du Christ en Son Église.
Une méthode
1. Réflexion personnelle : chacun peut d’abord réfléchir personnellement. Commencer par prier et affronter chaque question aidera à prendre leur mesure et à apprécier les conséquences des réponses apportées. (Là où une Assemblée paroissiale est prévue dans les semaines à venir, le curé peut en profiter pour interpeler la communauté et la mettre en route).
2. Réflexion en groupes (paroissiaux ou de mouvements) : des (petits) groupes devraient se constituer, en aussi grand nombre que possible, pour que l’expression de tous les fidèles puissent se manifester. (Une famille, une aumônerie, … peut constituer un groupe).
3. Une synthèse paroissiale des réponses (suivant l’ordre et les numéros des questions, pour en faciliter l’exploitation à tous les niveaux !) devra être faite, par chaque Équipe de conduite pastorale (2 pages maximum). Elle sera envoyée, au responsable de Secteur missionnaire et à l’évêque, au plus tard pour Noël.
4. Un travail en Conseil épiscopal élargi se fera le 11 janvier 2018 à partir des réponses des paroisses.
5. Un partage en Secteur missionnaire pourra également prolonger la réflexion, sous la responsabilité et à l’initiative du responsable de secteur.
Je suis sûr que l’Esprit Saint accompagnera ce cheminement et lui fera produire de beaux fruits pour l’avenir de tous.
Je peux en attendre une vision plus claire pour les paroisses et les Secteurs missionnaires. L’exploitation des éléments reçus permettra au Conseil épiscopal d’avancer sur la question des nominations.
Je termine en exprimant ma reconnaissance à toutes celles et ceux qui se lanceront dans ces échanges. Je n’en attends pas de « recettes miracles », mais j’en attends une communion accrue et une attention plus vive aux besoins et aux moyens de la mission. Ce n’est pas rien !
Tout cela renouvellera et nourrira notre joie d’être disciples-missionnaires de Jésus, le Christ.
Au Père céleste qui nous L’a envoyé, dans la force de l’Esprit Saint qui fait de nous son Corps, notre adoration, notre louange et l’offrande disponible de nos vies !
À tous, j’exprime mon dévouement et l’assurance de ma prière.
+ Jacques Benoit-Gonnin
Evêque de Beauvais, Noyon et Senlis
Le 8 septembre 2017
En la fête de la Nativité de la Vierge Marie
10e anniversaire de la lettre pastorale
« Église de Beauvais, avance au large ! »