Message des évêques de France
à l’occasion des 60 ans de L’Arche
Sainte Anne d’Auray - 28 au 31 mai 2024
En 1964, à Trosly-Breuil, dans l’Oise, naissait la première communauté de l’Arche. Aujourd’hui, à Sainte Anne d’Auray, nous sommes 2.200 personnes venant de tous ces lieux où l’Arche s’est implantée, pour célébrer les soixante ans de cette naissance. Durant toutes ces années, dans une quarantaine de pays regroupant plus de 150 Communautés, l’Arche a accueilli de nombreuses personnes portant un handicap. Des hommes et des femmes, jeunes ou moins jeunes, entrant dans une vie active ou changeant d’orientation professionnelle, se sont engagés, inspirés par leur foi chrétienne ou animées d’autres convictions, dans cette aventure de la rencontre, de la vie avec et du service des personnes portant un handicap.
Évêques, nous sommes très reconnaissants à l’Arche pour l’aventure vécue dans des conditions parfois difficiles, mais déjà tellement fécondes. Nous vous disons MERCI, pour le témoignage que vous donnez d’une vie où la diversité et la vulnérabilité sont accueillies et respectées et permettent de construire, jour après jour, une vraie fraternité. Nous vous disons MERCI, pour le témoignage que vous donnez d’une vie où chacune et chacun peut grandir en humanité et spirituellement et produire de beaux fruits d’attention aux autres, d’écoute et d’entraide, d’affection et de partage.
Ces 60 années écoulées ont également été marquées par des épreuves : des personnes admirées, qui ont pu inspirer et aider à changer de regard sur les autres, ont été également habitées par des côtés inimaginables, obscurs et blessants. Elles ont trahi des personnes qui avaient mis leur confiance en elles, en usant mal de leur renommée et de leur position.
Aujourd’hui, les évêques de France reconnaissent et assument les défaillances institutionnelles et les erreurs de discernement de ceux qui les ont précédés. Avec vous, ils voient les conséquences mortifères de certains comportements de Thomas PHILIPPE et de Jean VANIER. Ils demandent pardon pour les conséquences qui en sont résultées chez toutes les victimes connues ou non. Les travaux des membres de la commission d’études mandatée par l’Arche permettent de mieux comprendre ce qui s’est passé, ce qui a failli, notamment au sein de l’Église, et ce qui doit être fait pour éviter que de tels errements se reproduisent. Ils remercient toutes les personnes qui ont témoigné ; toutes celles qui ont aidé à comprendre ce qui s’est passé et à en mesurer les conséquences ; toutes celles, enfin, qui travaillent à la réparation et à la reconstruction.
La vision renouvelée apportée par l’Arche sur l’être humain plus fragile et vulnérable ; le défi relevé par l’Arche de permettre à des hommes et des femmes différents dans leur histoire, leur culture, leurs croyances, de se rencontrer, de s’accueillir et de cheminer ensemble ; le service rendu par l’Arche à la solidarité et à la fraternité ; tout cela est bon pour tous les membres de l’Arche et pour nos sociétés, mais aussi pour l’Église de Jésus Christ.
Pour nos sociétés, l’Arche leur révèle combien la prise en compte, l’intégration et la mise en action des personnes portant un handicap favorisent la construction d’une société plus humaine et plus fraternelle, donc plus heureuse.
Pour l’Église, parce que l’Arche rend visible quelque chose de cette famille que Dieu veut faire naître et grandir parmi les hommes. D’une certaine manière, « l’Arche révèle quelque chose de ce qu’est l’Église : une communauté de miséricorde et d’espérance, de fête, de pardon et de service dans laquelle pauvretés et richesses sont mises en commun par ses membres qui tous ont besoin les uns des autres.[1] » Et ce témoignage donné par l’Arche demeure valable et inspirant parce qu’il a été vécu par les personnes portant un handicap et par celles qui se sont mises à leur service.
« Jean Vanier, par ses retraites et ses conférences, ses livres et ses contacts maintenait le lien historique et spirituel entre l’Arche et son berceau, c’est à dire l’Évangile et donc le Seigneur Jésus. » Les révélations sur certains de ses comportements vont atténuer son rôle dans l’histoire originelle de l’Arche et vont [vraisemblablement] atténuer la référence de l’Arche à son berceau qui est l’Évangile. C’est compréhensible ; mais, « Pour assurer l’avenir d’une Arche ouverte à tous, il faut seulement espérer qu’il y aura toujours en son sein des chrétiens capables de rendre compte en paroles et en actes de ce qu’elle a reçu à son berceau, car l’Évangile fait partie de l’identité de l’Arche.[2] »
Comme chrétiens, nous nous souvenons que le regard de Jésus-Christ lui-même se porte en priorité sur les personnes fragiles et vulnérables, sur tous les blessés de la vie et les exclus. Par fidélité avec Lui, nous voulons redire que « tout être humain, quelle que soit sa condition de vulnérabilité, reçoit sa dignité du fait même qu’il est voulu et aimé par Dieu [3]». Prendre soin de la personne vulnérable et fragile, dans le respect de sa dignité d’enfant de Dieu, c’est lutter contre la « culture du déchet » dénoncée par le Pape François.
Pour nous y aider, l’Arche et ce qui s’y vit sont précieux et inspirants.
MERCI à celles et ceux qui vivent cette aventure au nom de leur foi en Jésus-Christ. Il s’est fait proche des personnes vulnérables et si facilement marginalisées pour les attirer dans la gloire de son Père ; qu’il soutienne encore l’engagement de ses disciples d’aujourd’hui.
MERCI à celles et ceux qui donnent un beau témoignage de solidarité et de fraternité dans leur proximité et leur accompagnement de celles et ceux qu’il est tentant d’ignorer, de marginaliser ou de rejeter.
MERCI à vous tous, ici présents, et à vous tous qui êtes l’Arche aujourd’hui !
BON ANNIVERSAIRE ET « BON VENT » POUR UNE AVENTURE À POURSUIVRE !
+ Jacques Benoit-Gonnin
Évêque de Beauvais, Noyon et Senlis,
Évêque délégué de la Conférence épiscopale auprès de l’Arche-France
[1] Lettre de Mgr Gérard Daucourt à l ‘Arche. (24 février 2020)
[2] Même lettre de Mgr Daucourt
[3] Déclaration Dignitas infinita p.94
