Si vous n’étiez pas là..., ce serait comme une table sans pain !
« J’ai vécu vingt-huit ans avec les forains sur les fêtes foraines... Un jour, alors que j’étais en train de faire des crêpes en parlant avec Fred, un voisin demande une crêpe, que je fais volontiers. En partant il dit : « On ferait quoi sans nos frangines ?» et je réponds : « Ça ne changerait rien si on n’était pas là !» Fred reprend : « Si vous n’étiez pas là... je n’aurais égoïstement pas mon café quotidien, je ne rencontrerai pas ailleurs Zézé, la mère R. ou mamie Musette. Sans vous ce serait comme une table sans pain !»
Ces mots simples de Fred, qui m’habitent et me relient à Dieu et à mes frères, révèleront ma vocation de petite Sœur de Jésus. L’absence de pain sur la table était la hantise de maman, car papa, émigré qui « mangeait le pain des Français » (expression tant entendue !) gagnait dure- ment sa vie. Il nous disait : « Quand on est pauvre, on n’intéresse pas même le curé !». Je finissais presque par croire Nathanaël disant que « De Nazareth, peut-il sortir quelque chose de bon ?», quand la parole du Seigneur dans l’exode 3,7 me redonna confiance : « J’ai vu, j’ai vu la misère de mon peuple. J’ai entendu son cri ; oui je connais ses angoisses » m’envoya vers les autres et m’ouvrit la porte du grand bonheur dans ma rencontre avec les petites Sœurs de Jésus. Au contact de gens des périphéries malmenés par la vie, les petites Sœurs ont la mission de témoigner du sens pro- fond de Bethléem et de Nazareth. Dans ces temps durs et progressivement dés- humanisés dans lesquels ils gardent leurs bien maigres repas pour le « pauvre qui passe », Jésus m’a fait découvrir la fragilité – chemin de rencontre, de bonheur et de vie, et appris aussi à faire des moments présents avec mes Julien, Daniel, pascal, Dominique et bien d’autres, si délicats dans l’attention aux petits ; la pierre sur laquelle fonder définitivement ma vie.
Patricia Guylaine, petite sœur de Jésus
Missio décembre 2014 : Vexin Thelle